English: : Grands batteurs






Cours
Sélection de CD, DVD ou livre

Temiz Okay

Musiciens ou groupes:

Ulvi Temel, Maffy Falay, Don Cherry, Johnny Dyani, Dexter Gordon, George Russel, Clark Terry, Bobo Stensson, Pale Danielson

Biographie et commentaire

Okay Temiz est un batteur-percussionniste turc (né en 1939 à Istambul), sans doute le premier à métisser le jazz (la batterie moderne) et la musique traditionnelle turque, dans les années 1970 (si on exclut les tentatives de Joe Morello avec Dave Brubeck : exemple : « Blue rondo à la Turk », album « Time out », 1959). Il a voyagé et collaboré avec nombre de musiciens de jazz à travers le monde (Suède, Etats-Unis, Afrique du Sud, etc.). La musique turque est très marquée par les rythmes complexes avec mesures asymétriques (comme en Perse ou en Inde, ou encore en Asie Méridionale, où le peuple turc a « transité » et s’est installé tout au long des siècles). Ces rythmes, qui se décomposent souvent en mesures plus simples (2/4 ou 3/4), font bien de cette culture musicale, la plus sophistiquée rythmiquement au monde, contrairement aux clichés qui associent cette sophistication à la musique d’Afrique Noire. En fait, ces rythmes complexes (mesures en nombres premiers notamment: 5, 7, 11, etc., très ardus à « penser » et exécuter), afin d’être rendus plus accessibles au public, sont souvent joués à l’unisson par tous les instruments, dans la tradition turque, contrairement aux musiques percussives africaines, où c’est la polyrythmie qui est complexe et prédominante (superposition de mesures différentes), mais en général avec des mesures de base presque toujours simples (binaires : 4/4) avec parfois une décomposition de chaque temps en 3 (triolets, voire swing), et des rythmes en 3 pour 4, 6 pour 4, plus rarement 5 pour 4, dans les chorus (concepts repris dans le jazz et le rock américains). En d’autres termes, si les mandingues (avec peut-être les Voduns et plus récemment les cubains et les brésiliens, qui sont aussi en partie issus de ces peuples africains), sont pour moi les plus grands savants de la polyrythmie, les turcs et les perses, sont bien ceux du rythme. Chaque culture possède en fait ses préférences musicales, historiquement, parfois dictées par des interdits religieux à l’origine, pour se démarquer des autres : polyphonie arythmique en Europe chrétienne, mélodie au proche orient et en extrème orient ou chez les celtes (« arabesques », arpèges et ornementations). Les turcs influencèrent aussi le proche orient et jusqu’au Maghreb (écouter le batteur franco-algérien Karim Ziad), où ils s’installèrent avant et pendant les croisades (seldjoukides et mamelouks). Je rappelle aussi que les cymbales les plus courantes en batterie (crash et rides) et les caisses sont des inventions turques rapportées en France sous Louis XIV, alliée alors avec l’Empire Ottoman (écouter "La marche pour la cérémonie des turcs", de Jean-Baptiste Lully composée pour la comédie-Ballet "Le bourgeois gentilhomme"(1670) de Molière pour la cour du "Roi Soleil", sans cymbale mais avec tambour, représentant bien un début de "mode turque" ("turquerie") même si un peu moqueuse). Elles avaient un usage martial et cérémonial chez les turcs, souvent à cheval (janissaires), en complémentarité des trompettes et des timbales, d’où la paire, une à chaque flan d'un dromadaire, pour l’équilibre (les timbales sont elles mêmes sans doute d'origine mongole (appelées "naccaras"), elles étaient utilisée pour signaler les embuscades lors des conquêtes de Gengis Kahn, qui comptait aussi des régiments turcs, et les mailloches traditionnelles en bambou et feutre sont un indicateur de cette origine culturelle). Adoptées difficilement en Europe (longtemps considérées comme « bruits » par l'aristocratie, à cause de leur tonalité incontrôlable et indéterminée mais aussi sûrement pour des questions religieuses), les timbales sont encore en usage pour les parades de la Garde Républicaine à cheval, en France, depuis Napoléon Bonaparte. Le mot français « tambour » vient d’ailleurs du persan « Tabir ». Okay, quand-à-lui, s'est constitué un set de batterie entier, avec des darbukas turques (fûts caliciformes en bronze martelé, normalement joués avec les doigts, la batterie moderne étant finalement essentiellement constituée d’instrument turcs à l’origine, hors pédales et pieds, et repris tels quels dans les armées européennes) à la place des toms, et il est aussi un « polypercussionniste » qui joue de toutes les percussions du monde, avec une « touche » turque mais aussi africaine, brésilienne, jazz ou rock très « fusion ». Un batteur à découvrir qui ouvre des horizons immenses aux batteurs créatifs (Terry Bozzio a notamment composé un solo basé sur la musique turque, imitant une darbuka (turque ou arabe) avec les pieds en indépendance avec le jeu des mains sur les toms et cymbales: "Cairo").

Marc De Douvan, publication: 22 novembre 2006.

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