English : : : Percussions : : Brésil, La batucada

La batucada est un orchestre composé exclusivement d'instruments de percussion, qui accompagne en marchant le défilé des danseurs costumés et des chars dans les carnavals brésiliens. Les " Ecoles de samba " réunissent danseurs, chanteurs, costumiers, décorateurs, reines de carnaval, portes-drapeau et musiciens, qui rivalisent de prouesse au moment du défilé annuel.

Les instruments brésiliens

Tradition européenne à la base, journée (s) de " débauche " précédent le carême, on peut déjà en voir des prémisses dans la Rome antique, où les vivants mettaient les masques (moulage du visage du cadavre) de leurs défunts, et défilaient dans les rues pour honorer leur mémoire, un jour par an, c'était la " fête des morts ".Cette fête européenne de tradition païenne a certainement vue un échos dans la fête des morts pratiquée par les amérindiens, ce qui peut expliquer son engouement dans toute l'Amérique du sud, centrale et les Caraïbes. Le carnaval, partiellement " éteint " en Europe (à quelques exceptions prêt, comme celui de Venise, qui perpétue une tradition issue de la Renaissance), a vue un renouveau sans précédent au Brésil et surtout à Rio de Janeiro, en y trouvant l'occasion de " ré insuffler " la culture africaine apportée par les esclaves exilés, qui était jusque là " bâillonnée " par le pouvoir colonisateur.

D'où un mélange unique et sans précédent à ce niveau de richesse et de liberté, des instruments et rythmes européens (caixa, surdo, pandeiro, etc...), africains (cuica, ganza, agogo, etc...) avec une vraie interprétation et innovation inspirées souvent de la récupération populaire d'instruments usuels ou de rebus (frigideira (poëlle à frire), apito (sifflet), fûts en bidon et boîte de conserve vides, etc...). La batucada et ses rythmes sont à l'image d'un des métissages culturels et ethniques, historique et mondial, les plus réussi : celui du Brésil.Ce métissage se retrouve jusque dans la danse (la " samba ") et les costumes, où talons aiguilles et hauts- de- forme côtoient les pas africains, les parures de plumes de perroquets à l'indienne (Amazonie), les paillettes et les bikinis contemporains (invention brésilienne à l'aire du " bronzage "), voire la nudité du buste (amérindiens et africains), style initié dans les années vingt et repris dans les cabarets du monde entier, synonyme de fête et d'exotisme et encouragé par l'engouement des artistes d'avant-garde pour les cultures africaines longtemps méprisées en Europe et qui deviennent la source d'un renouveau créatif (notamment à Paris avec Joséphine Baker, Picasso et ses " demoiselles d'Avignon " inspirées de masques africains, Modigliani, Fernand Léger, Giacometti, Stravinsky et son " Sacre du Printemps ", l'arrivée du jazz et de la musique afro-cubaine dans les bals, etc...).

Aujourd'hui, la batucada, par son caractère d'accessibilité aux débutants, sa richesse et son universalisme culturel, s'impose peu à peu comme l'orchestre privilégié de tous les défilés et manifestations en plein air, du match de football aux manifestations politiques, et ceci, dans le monde entier. Traversant les différences communautaires, ethniques et sociales, la batucada devient un nouveau vecteur de lien social, ludique et artistique, dans nos sociétés contemporaines, malades d'excès d'individualisme, de consommation et de propriété.

Aucune autre forme musicale traditionnelle n'était apparu, proposant autant de voix différentes en même temps, s'imbriquant de manière si ingénieuse, sans qu'aucune voix n'étouffe l'autre, en associant de manière harmonieuse le néophyte et le virtuose, la culture africaine et la culture européenne, l'ancien et le nouveau. La batucada est plus qu'un simple orchestre musical, c'est une école de sociabilité, un lieu de réalisation sociale et individuelle, sans compétition ni salaire, une manifestation de l'émergence d'une culture esthétique mondiale et contemporaine, qui n'oublie pas ses racines géographiques et temporelles, un lieu de création artistique collective et vivante.

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Marc de Douvan, octobre 2005.

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